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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/151

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inutile, car il dit qu’il n’a jamais lu Endymion à la Reine-mère.

Je ne sais si madame de La Moussaye, sœur du feu comte de La Suze, et mère de La Moussaye, le petit-maître, étoit cette petite Phillis ; mais on croit qu’il a eu de grandes privautés avec elle, car il a toujours affecté d’en vouloir à des dames de qualité, et me faisoit excuse une fois de ce que, dans ses poésies, il y avoit des vers pour une paysanne. « Mais, disoit-il, c’étoit la fille d’un riche fermier de Xaintonge, et elle avoit plus de dix mille écus en mariage. »

Cette pension de douze cents écus, dont il a été parlé ci- dessus, ne lui fut pas toujours continuée ; dès le temps de la Reine-mère même, on lui en retrancha quelque chose, nonobstant la ressemblance avec cet amant florentin. Après l’éloignement de la Reine, il lui dédia l’Amaranthe, et la lui envoya. « Ah ! , dit-elle, je savois bien que celui-là ne m’oublieroit pas. »

Il croit toujours qu’il a mille ennemis qu’il n’a point. Il m’a dit que, de rage de ce que l’Endymion réussissoit, un homme l’avoit jeté dans le feu. Son caractère est l’obscurité, et cependant il croit être l’homme du monde le plus clair. Il fut si têtu qu’il ne voulut jamais ôter du commencement de ses poésies un sonnet que l’on n’entend pas, et qui n’a pas servi au débit de son livre ; il l’entendoit lui. « Et puis, disoit- il, je l’ai fait pour être à la tête. » Il y avoit je ne sais quoi, comme une espèce d’avant-propos, qu’il vouloit que M. d’Enghien prît pour une lettre dédicatoire, quoiqu’il ne le nommât point, et que cela ne lui fût point adressé.

Ses vers, pour l’ordinaire, ne vont point au cœur ; ils ne sont point naturels ; puis il y a grand nombre de sonnets, et pour bien rimer il tire souvent les choses par les cheveux. Ses vers de ballets et ses épigrammes valent mieux ; mais ce qu’il a fait de meilleur en vers et en prose, ce sont ses ouvrages chrétiens. Il n y a ni sel ni sauge à ses