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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/154

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dans leurs portraits leurs traits se voient bien mieux qu’à voir la personne, qui peut souvent changer de posture. Il dit plusieurs exemples de ces jugements.

Novissimè (1658), après la maladie du Roi, il fit un sonnet qu’il ne voulut jamais donner, quoiqu’il fût beau, à quelque chose près, disant qu’il ne vouloit pas que la première chose que le Roi verroit de lui ne fût pas achevée, comme si le Roi s’y connoissoit, ou ceux qui l’approchent.

Pellisson, qui le fait subsister par le moyen du surintendant Fouquet, à qui il est, ne put obtenir ce sonnet ; on eut beau l’en presser. Cependant il en a fait imprimer cent qui valent moins. Je ne l’ai jamais vu si poète, pour ne rien dire de pis, qu’en cette rencontre. Il pesta contre tout le monde, et contre Pellisson même, ou peu s’en fallut. J’y découvris de l’envie : « On paie si mal, disoit-il, des vers immortels ! un sonnet immortel que je fis pour M. Servien, que m’a-t-il valu ? » Et, pour toute raison, quand je le pressois de donner de temps en temps quelque chose qui ne fût pas imprimé à Pellisson, pour entretenir le surintendant en belle humeur pour lui, il me répondoit que ce même esprit qui lui faisoit faire ces sonnets immortels l’empêchoit de faire ce que je lui conseillois. Il veut qu’on le reprenne, puis il en enrage, et dit qu’il y des gens qui élèvent témérairement des nuages de difficultés.

Une Italienne, nommée Foscarini, qui sert madame de Rambouillet, voyant un jour les grimaces de cet homme, dit quand il fut parti : « Signora, è matto quel huomo  ? — Comment matto ! — c’est un des plus sages hommes du monde. — Pensava che fosse matto_, répondit-elle.

J’ai déjà dit que c’étoit un huguenot à brûler. Il a écrit plusieurs petites pièces de controverse, et croit, s’il osoit les imprimer, que cela persuaderoit tout le monde. Un jour il dit, à propos d’ouvrages chrétiens, à un de mes beaux-frères qu’il avoit fait une fois des prières assez belles pour croire qu’elles lui avoient été inspirées, et qu’en effet il n’avoit