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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/167

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de colonel des Suisses, Bassompierre eut cette charge et la fit bien autrement valoir qu’on ne l’avoit fait jusqu’alors ; d’ailleurs il étoit habile et faisoit toujours quelque affaire. Il n’y avoit presque personne à la cour qui eût tant de train que lui et qui fit plus pour ses gens. Lamet, son secrétaire, fut préféré, en une recherche d’une fille, à un conseiller au parlement.

Parlons un peu de ses amours. On a dit qu’il avoit été un peu amoureux de la Reine- mère, et qu’il disoit que la seule charge qu’il convoitoit, c’étoit celle de grand panetier, parce qu’on couvroit pour le Roi. Il disoit qu’il y avoit plus de plaisir à le dire qu’à le faire. Il étoit magnifique, et prit la capitainerie de Monceaux, afin d’y traiter la cour. La Reine- mère lui dit un jour : « Vous y mènerez bien des putains (on parloit ainsi alors). — Je gage, répondit-il, madame, que vous y en mènerez plus que moi. » Un jour il lui disoit qu’il y avoit peu de femmes qui ne fussent putains « Et moi  ? dit- elle — Ah ! pour vous, Madame, répliqua-t-il, vous êtes la Reine. »

Une de ses plus illustres amourettes, ce fut celle de mademoiselle d’Entragues, sœur de madame de Verneuil ; il eut l’honneur d’avoir quelque temps le roi Henri IV pour rival. Testu, chevalier du guet, y servoit Sa Majesté. Un jour, comme cet homme venoit lui parler, elle fit cacher Bassompierre derrière une tapisserie, et disoit à Testu, qui lui reprochoit qu’elle n’étoit pas si cruelle à Bassompierre qu’au Roi, qu’elle ne se soucioit non plus de Bassompierre que de cela, et en même temps elle frappoit d’une houssine, qu’elle tenoit, la tapisserie à l’endroit où étoit Bassompierre. Je crois pourtant que le Roi en passa son envie, car un jour le Roi la baisa je ne sais où, et mademoiselle de Rohan, la bossue, sœur de feu M. de Rohan, sur l’heure écrivit ce quatrain à Bassompierre :

Bassompierre, on vous avertit,

Aussi bien l’affaire vous touche,