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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/181

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Madame et mademoiselle de Rohan et M. de Candale étoient à Venise quand madame de Rohan se sentit grosse. Elle fit si bien qu’elle eut permission de venir à Paris ; car elle cacha cette grossesse, et il y a toutes les apparences du monde que son mari ne lui touchoit pas, autrement elle ne se fût pas mise en peine de cela. Ce n’est pas qu’il s’en souciât autrement, car Haute-Fontaine ayant voulu sonder s’il trouveroit bon qu’on lui parlât des comportements de sa femme, il lui fit sentir que cela ne lui plairoit pas.

À Paris, madame de Rohan se tenoit presque toujours au lit. M. de Candale qui étoit aussi revenu, étoit toujours auprès d’elle : elle envoyoit mademoiselle de Rohan sans cesse se promener avec Rachel, sa femme de chambre. Madame de Rohan étant accouchée, l’enfant fut porté chez une madame Milet, sage- femme, après avoir été baptisé à Saint-Paul, et nommé Tancrède Le Bon, du nom d’un valet de chambre de M. de Candale.

Or, dès Venise, Ruvigny, fils de Ruvigny qui commandoit sous M. de Sully, dans la Bastille, étant comme domestique de la maison, et y trouvant une grande licence, à cause de M. de Candale, se mit à badiner avec mademoiselle de Rohan, qui n’avoit alors que douze ans.

…..Mais aux âmes bien nées, La vertu n’attend pas le nombre des années.

Cela dura jusqu’à l’âge de quinze ans, qu’à Paris il en eut tout ce qu’il voulut. Ruvigny étoit rousseau, mais la familiarité est une étrange chose ; puis il étoit en réputation de brave. Il s’étoit trouvé à Venise par hasard, cherchant la guerre ; il étoit allé à Mantoue ; là, Plassac, frère de Saint-Preuil, brave garçon, mais qui, avant que de mettre l’épée à la main, avoit un tremblement de tout le corps, eut querelle. Ruvigny le servit et eut affaire à Bois d’Almais, un bravissime, qui avoit disputé la faveur de Monsieur à Puy- Laurens ; Ruvigny le tua, mais il reçut un grand coup