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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/184

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qu’elle pourroit bien l’avoir laissé quelque part avec ses coiffes. »

Enfin, comme toutes choses ont un terme, mademoiselle de Rohan ne s’en voulut pas tenir à Ruvigny seul : elle aimoit à danser ; il n’étoit nullement homme de bal, ni de grande naissance, ni d’un air fort galant. Le prince d’Enrichemont, aujourd’hui M. de Sully, y mena Chabot, son parent et parent de madame de Rohan. Sous prétexte de danser avec elle, car il dansoit fort bien, il venoit quelquefois chez elle le matin. Ruvigny étoit averti de tout par Jeanneton, la femme de chambre, qui n’avoit été en aucune sorte de la confidence que depuis que Chabot commençoit à en conter à mademoiselle de Rohan, encore ne savoit-elle point que sa maîtresse eût été éprise de Ruvigny ; mais elle croyoit seulement que ce qu’il en faisoit étoit pour empêcher qu’elle ne fît une sottise ; Ruvigny, voyant que la chose alloit trop avant, lui en dit son avis plusieurs fois. Enfin, elle lui promit de chasser Chabot dans quinze jours : au bout de ce temps-là, c’étoit à recommencer (1).

[(1) Dans le mal au cœur qu’avoit Ruvigny, ne se souciant plus tant de mademoiselle de Rohan, il voulut débaucher Jeanneton, qui étoit jolie, et lui dit si elle ne feroit pas bien ce que sa maîtresse avoit fait, et qu’il le lui feroit, sinon voir, du moins entendre. Elle le lui promit. Le lendemain, comme il entroit, à sept heures du matin, dans la chambre de mademoiselle de Rohan, les fenêtres étant fermées, il se fit suivre par cette fille, qui, pieds-nus, se glissa dans un coin. Ruvigny fit des reproches à mademoiselle de Rohan de sa légèreté, et lui dit qu’après ce qui s’étoit passé entre eux, etc., etc. Jeanneton fut persuadée de la sottise de sa maîtresse ; mais pour cela elle ne voulut pas en faire une. (T.)]

« Mais, Mademoiselle, lui disoit-il, je ne veux point vous obliger à m’aimer toujours, avouez-moi l’affaire ; je ne veux seulement que ne point passer pour votre dupe. — Ah ! répondit-elle, voulez-vous qu’il sache l’avantage que vous avez sur moi  ? il le saura si je le fais retirer, car il dira que je n’ai osé à vos yeux en aimer un autre ; mais donnez-moi encore deux mois. — Bien, dit-il. » Et pour passer ce