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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/185

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temps-là avec moins de chagrin, il s’en alla en Angleterre voir le comte de Southampton, qui avoit épousé madame de la Maison-Fort, sa sœur. Le prétexte fut le duel de Paluau, aujourd’hui le maréchal de Clérambault, qu’il avoit servi contre Gassion, car le cardinal de Richelieu l’avoit trouvé fort mauvais. Au retour, il apporta des bagues de cornaline fort jolies. Mademoiselle de Rohan en prit une, mais il ne la trouva point convertie, au contraire. À quelque temps de là, il sut par le moyen de Jeanneton qu’elle avoit donné cette bague à Chabot.

Un jour il les trouve tous deux jouant aux jonchets ; il se met à jouer, et voit la bague au doigt de Chabot. Il lui demande à la voir, et se la met au doigt. Chabot la lui redemande : « Je vous la rendrai demain, lui dit-il. J’ai à aller ce soir en compagnie, j’y veux un peu faire la belle main. » Chabot la redemande par plusieurs fois : « Voyez-vous, lui répond Ruvigny, je me suis mis dans la tête de ne vous la rendre que demain. » Enfin, mademoiselle de Rohan la lui demanda, il la lui rendit. Il se retire : mademoiselle de Rohan lui envoie son écuyer à minuit pour le prier de venir parler à elle. « Je serai, répondit-il, demain au point du jour chez elle si elle veut. » L’écuyer revient lui dire que mademoiselle le viendroit trouver s’il n’alloit lui parler. Il y va ; elle le prie de ne point avoir de démêlé avec Chabot ; il le lui promet. Quelques jours après il rencontre Chabot sur l’escalier de mademoiselle de Rohan, qui le salue et lui laisse la droite ; lui passe sans le saluer. Chabot fut assez imprudent pour se plaindre de cela à Barrière, qui étoit son parent. Ruvigny nia tout à Barrière, qui ne se doutoit encore de rien. Mais mademoiselle de Saint-Louys, sa sœur, alors fille de la Reine, et qui fut depuis madame de Flavacourt, se doutoit bien de quelque chose.

Ruvigny, enragé, et ne voulant pourtant pas la perdre de réputation, s’avisa de faire une grande brutalité ; il leur voulut parler à tous deux, afin qu’ils n’ignorassent rien l’un