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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/201

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la maison de leur seigneur même ; ils s’y opiniâtrèrent si bien qu’on eut de la peine à faire sauver le galant homme, qu’ils poursuivirent assez longtemps.

Il y a plus de douze ans qu’il est si déchu que la plupart du temps il ne dit plus que du galimatias ; il criaille, mais c’est tout, et c’est rarement qu’il fait quelque impromptu supportable. Il joue, il ivrogne, mange si salement qu’on l’a vu cracher dans un plat afin qu’on lui laissât manger tout seul ce qu’il y avoit ; il se fait vomir pour remanger tout de nouveau. et est plus libertin que jamais. Il dit qu’il ne fit le bigot à sa maladie que pour ne pas perdre quatre mille livres de rente qu’il espéroit de sa mère. Cette femme étant morte, les beaux-frères de des Barreaux furent contraints de retenir ce bien et de lui donner seulement une pension, afin qu’il ne se pût ruiner entièrement.

Il avoit un oncle paternel huguenot, nommé M. de Chenailles, qui mourut garçon et fit beaucoup d’avantages à des neveux de la religion qu’il avoit, de sorte que des Barreaux et ses sœurs n’eurent pas grand’chose. Il en fut fort en colère, et disoit à ses sœurs : « : Encore, pour vous autres, vous aurez le plaisir de croire qu’il est damné ; mais moi, je ne le saurois croire. » De ce qu’il en eut pourtant, il en acheta un bénéfice et ne s’en cachoit point.

Bien loin de s’amender en vieillissant, il fit une chanson où il y a :

Et, par ma raison, je butte

A devenir bête brute.


Il prêche l’athéisme partout où il se trouve, et une fois il fut à Saint-Cloud chez la du Ryer passer la semaine sainte, avec Miton, grand joueur, Potel, le conseiller au Châtelet, Raineys, Moreau et Picot, pour faire, disoit-il, leur carnaval.

Picot mourut à peu près comme il avoit vécu : il tomba