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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/202

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malade dans un village ; il fit venir le curé, et lui dit qu’il ne vouloit point qu’on le tourmentât et qu’on lui criaillât aux oreilles, comme on fait à la plupart des agonisans : le curé en usa bien, et il lui donna par son testament trois cents livres ; mais comme il vit que le cure, le croyant expédié, ou peu s’en falloit, se mettoit à criaillier comme on a de coutume, il le tira par le bras, et lui dit : « Sachez, galant homme, si vous ne me tenez ce que vous n’avez promis, qu’il me reste encore assez de vie pour révoquer la donation. » Cela rendit le curé plus sage, et l’abbé expira assez en repos.

Pour des Barreaux, il a eu tout le loisir de chanter la palinodie ; il a bien fait le fou en mourant, comme il le faisoit quand il étoit malade.


MARION DE L’ORME

Marion de l’Orme étoit fille d’un homme qui avoit du bien et si elle eût voulu se marier, elle eût eu vingt-cinq mille écus en mariage ; mais elle ne le voulut pas. C’étoit une belle personne, et d’une grande mine, et qui faisoit tout de bonne grâce ; elle n’avoit pas l’esprit vif, mais elle chantoit bien et jouoit bien du théorbe. Le nez lui rougissoit quelquefois, et pour cela elle se tenoit des matinées entières les pieds dans l’eau. Elle étoit magnifique, dépensière et naturellement lascive.

Elle avouoit qu’elle avoit eu inclination pour sept ou huit hommes, et non davantage : des Barreaux fut le premier, Rouville après ; il n’est pas pourtant trop beau : ce fut pour elle qu’il se battit contre La Ferté-Senecterre ; Miossens, à qui elle écrivit par une fantaisie qui lui prit de coucher avec