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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/206

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père en trouva quelques-unes ; il le fait venir et lui dit : « Qu’est-ce que cela  ? » Cc garçon, tout tremblant, lui dit : « Je ne m’y suis amusé qu’aux jours de congé. — Et entends-tu bien cette proposition ? — Oui, mon père. — Et où as-tu appris cela  ? — Dans Euclide, dont j’ai lu les six premiers livres (on ne lit que cela d’abord). — Et quand les as-tu lus ? — Le premier en une après dînée, et les autres en moins de temps à proportion. » Notez qu’on y est six mois avant que de les bien entendre.

Depuis, ce garçon inventa une machine admirable pour l’arithmétique. Pendant les dernières années de l’intendance de son père, ayant à faire pour lui des comptes de sommes immenses pour les tailles, il se mit dans la tête qu’on pouvoit, par de certaines roues, faire infailliblement toutes sortes de règles d’arithmétique ; il y travailla et fit cette machine qu’il croyoit devoir être fort utile au public ; mais il se trouva qu’elle revenoit à quatre cents livres au moins, et qu’elle étoit si difficile à faire qu’il n’y a qu’un ouvrier, qui est à Rouen, qui la sache faire : encore faut-il que Pascal y soit présent. Elle peut être de quinze pouces de long et haute à proportion. La reine de Pologne en emporta deux ; quelques curieux en ont fait faire. Cette machine et les mathématiques ont ruiné la santé de ce pauvre Pascal.

Sa sœur, religieuse à Port-Royal de Paris, lui donna de la familiarité avec les jansénistes : il ]c devint lui-même. C’est lui qui a fait ces belles lettres au Provincial que toute l’Europe admire, et que M. Nicole a mises en latin. Rien n’a tant fait enrager les jésuites. Long-temps on a ignoré qu’il en fût l’auteur ; pour moi, je ne l’en eusse jamais soupçonné, car les mathématiques et les belles-lettres ne vont guère ensemble. Ces messieurs du Port-Royal lui donnoient la matière, et il la disposoit à sa fantaisie. Nous en dirons davantage dans les Mémoires de la régence.