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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/207

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LUILLIER (PÈRE DE CHAPELLE)

Luillier étoit de bonne famille, fils d’un conseiller au grand-conseil, qui après fut maître des requêtes, puis procureur-général de la chambre, et enfin maître des comptes. Voyez quelle bizarrerie ! sa femme, qui avoit obligé le procureur-général, dont elle étoit fille, à se démettre de sa charge en faveur de son mari, fut si sotte que de mourir de chagrin, voyant l’inconstance de cet homme. Ce bon homme étoit débauché, et eut la v….. en même temps que son cousin Tambonneau. Il avoit assez bon nombre d’enfants, et entre autres, un garçon fort aimable qui, ne pouvant souffrir sa ridicule humeur, alla voyager, fit naufrage au pas de Rhodes et se noya.

Luillier, dont nous allons écrire l’historiette, demeura seul garçon avec deux filles. Ce fils ressembloit à son père, au moins en deux choses, en -garçaillerie_ et en inquiétude pour les charges. Il fut d’abord trésorier de France à Paris, et vendit sa charge pour assister des Barreaux ; ils en mangèrent une bonne partie ensemble. Après il se fit maître des comptes, et enfin conseiller à Metz.

Etant maître des comptes, il eut une amourette avec une de ses parentes qui étoit mal avec son mari, il en eut un fils, et, par son crédit, quoique cet enfant fût adultérin, il le fit légitimer, et lui assura de quoi vivre par le consentement de ses sœurs. Ses sœurs lui envoyoient, sous prétexte de lui faire des confitures, une jolie suivante, qui demeuroit deux mois tous les ans avec lui. Il n’avoit que des femmes chez lui, et disoit qu’elles étoient plus propres.

Il avoit eu un carrosse, mais il n’en vouloit plus avoir, parce, disoit-il, qu’il ne sortoit jamais quand il vouloit, à cause que son cocher ne se trouvoit point au logis lorsqu’il avoit affaire,