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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/240

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d’avoir été à la cavalerie du Roi, et encore côte à côte du marquis de Richelieu. Après il s’avisa d’aller faire fanfare tout seul à la place Royale ; car il n’y eut que lui qui allât faire comme cela l’Abencerrage. Au reste, c’est un vrai Sardanapale ; il a toujours je ne sais combien de demoiselles ; il en élève même de petites pour s’en divertir quand elles seront grandes. Il a des valets de chambre qui jouent du violon ; il se donne tous les plaisirs dont il s’avise.

La fin de Montbrun n’a pas été agréable. J’ai déjà dit qu’il étoit pipeur. Il alloit jouer chez Frédoc. Un jour qu’il jouoit à la prime contre Montgeorge, brave garçon, fils de M. Gomin l’escamoteur, Montgeorge s’aperçut qu’il avoit escamoté une prime qu’il tenoit sur ses genoux. Voilà un bruit de diable. Montgeorge le traite de fripon et de filou. Par bonheur pour lui, le maréchal de la Ferté entre, et, par compassion pour lui, il parvint à obliger Montgeorge à achever la partie. Mais depuis cela il n’osoit plus guère aller chez Frédoc, ou du moins il envoyoit voir si Montgeorge n’y étoit point. Il avoit soixante-dix- sept ans. La vieillesse et le chagrin de cette aventure le tuèrent.


LA LIQUIÈRE

C’étoit la femme d’un procureur de Castres, nommé Liquière ; elle étoit belle, avoit de l’esprit, et étoit d’une complexion fort amoureuse ; mais c’étoit une personne assez extraordinaire, car elle donnoit à ses galants, au lieu de recevoir d’eux, et c’étoit la plus grande joie qu’elle pût avoir au monde. Les guerres de la religion obligèrent son mari, qui restoit catholique, à se retirer à Toulouse avec toute sa famille. Comme on commençoit à pacifier toutes