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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/243

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peste, et par conséquent obligé de sortir. Elle le suivit dans la hutte, le servit jusqu’à l’extrémité, et, après sa mort, résolut aussi de mourir, baisa cent fois ses charbons, afin de prendre le mal : « Car aussi bien, disoit-elle, je me laisserai mourir de faim. » On eut bien de la peine à l’arracher de dessus le corps de cet homme ; on la mena dans une autre hutte, où elle fut attaquée. Elle en eut de la joie, et ne recommanda autre chose en mourant, sinon qu’on l’enterrât dans la même fosse où l’on avoit mis son amant.


M. DE GUISE, PETIT-FILS DU BALAFRÉ

M. de Reims, aujourd’hui M. de Guise, est un des hommes du monde le plus enclin à l’amour. Tandis qu’il possédoit tous ces grands bénéfices de la maison de Guise, il devint amoureux de madame de Joyeuse, fille du baron du Tour, et femme d’un M. de Joyeuse, de Champagne, de la vraie maison de Joyeuse. Le mari, quoique accommodé, se fit l’intendant du galant de sa femme. Ce Joyeuse étoit si lâche que de prendre pension du marquis de Mouy, de la maison de Lorraine, qui étoit aussi un des galants de sa femme. Fabri a dépensé cent mille écus auprès d’elle. Elle ne profitoit point de tout cela, et dépensoit tout. C’étoit une fort bonne femme. Joyeuse étoit un original. Il avoit je ne sais quelle fille avec laquelle il couchoit, mais il juroit qu’il ne lui faisoit rien, et qu’en cela il n’offensoit point Dieu.

Madame de Joyeuse n’étoit plus ni jeune ni belle ; mais elle avoit bien de l’esprit et jouoit bien de la harpe. Durant cette amourette, M. de Guise donna au frère de sa suivante une prébende de Reims. « Mais je veux, lui dit-il, que tu prennes l’habit de chanoine, car c’est à toi que je donne