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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/256

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tenir de dire ce qu’elle croit joli, quoique assez souvent ce soient des choses un peu gaillardes ; même elle en affecte et trouve moyen de les faire venir à propos. Quelqu’un lui avoit écrit un billet et l’avoit priée de ne le montrer à personne : elle laissa passer quelques jours, puis le montra et dit : « Si je l’eusse couvé plus long-temps, il fût devenu poulet. »

Sévigny avoit fort peu de bien : il faisoit des marchés qu’après il rompoit. On fit séparer sa femme. Cependant, par amitié, elle s’engagea jusqu’à cinquante mille écus. Ces esprits de feu, pour l’ordinaire, n’ont pas grand’cervelle. Elle dit : « M. de Sévigny m’estime et ne n’aime point ; moi je l’aime et ne l’estime point. » Ménage lui disoit : « Le plus grand malheur qui pouvoit arriver à M. de Sévigny, c’étoit de vous épouser ; car tout le monde dit : « Quel homme pour cette femme ! »

Il étoit constant que la princesse d’Harcourt et elle étoient nées en même jour. « Madame, lui dit-elle une fois, tombons d’accord de nos faits ; dites-moi, voyons, quel âge voulons-nous avoir  ? »

Elle baisoit un jour Ménage comme son frère ; des galants s’en étonnoient. « On baisoit comme cela, leur dit-elle, dans la primitive église. » Une fois qu’il lui disoit qu’elle avoit tort d’avoir mis tant de bien sur la tête de son mari : « Pourvu, dit-elle, que je ne lui mette que cela sur la tête ; patience ! » Elle faisoit confidence de tout à Ménage, et lui, qui en avoit été amoureux autrefois, lui disoit : « .J’ai été votre martyr, je suis à cette heure votre confesseur — Et moi, répondit-elle, votre vierge. » Vassé en a été amoureux ; Ménage lui demanda comment cela étoit arrivé ; elle se mit à chanter une chanson que Patris fit à Gravelines pour un provincial, où il y avoit :

Il fut blessé comme là,

Et moi, j’étois comme ici.