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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/260

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Cependant Coulon poussoit sa fortune, car il lui en vouloit aussi. Je pense qu’il traita avec la mère au Mesnil-Cornuel. Madame Coulon découvrit tout le mystère ; alors toutes les honnêtes femmes, ou soi-disantes, abandonnèrent Ninon et cessèrent de la voir. Coulon leva le masque et l’entretint tout ouvertement ; il lui donnoit cinq cents livres par mois, qu’il a, dit-on, continué de lui donner jusqu’en 1650, huit ou neuf ans durant, quoiqu’il fût bien arrivé des désordres entre eux. Aubijoux, quelque temps après, fut associé à Coulon, et contribua aussi de son côté.

Le premier dont elle devint amoureuse fut feu M. de Châtillon, qui fut tué à Charenton ; il n’étoit alors qu’Andelot. Elle lui écrivit, et lui donna rendez- vous. Il y va ; mais comme c’étoit un inconstant, il la quitta bientôt. Elle, qui, comme vous verrez par la suite, étoit plutôt d’humeur à quitter qu’à être quittée, ne trouva point ce traitement supportable, et s’en plaignit à La Moussaye, qui fit leur paix et lui ramena le fugitif. On a dit, mais j’en doute, que pour s’en venger, elle avoit bien voulu prendre du mal, et qu’elle l’avoit si bien poivré qu’il ne pût être remis de long-temps. Il avoit le sang fort subtil et gagnoit aisément du mal. Cela lui sauva peut-être la vie ; car, s’il n’eût point été incommodé, devant servir sous le maréchal de Gramont, il eût été à la bataille d’Honnecourt et sans doute eût payé de sa personne. Ensuite elle eut des amourettes en assez bon nombre. On la servoit par quartiers. Quand elle en étoit lasse, elle leur disoit : « En voilà assez, cherchez fortune ailleurs. »

Cependant, la subvention de Coulon marchoit toujours, Sévigny, Rambouillet ont été de ses amants par quartier. Elle a eu un fils de Méré, et un de Miossens. Un jour, au Cours, elle vit que le maréchal de Gramont obligea un homme bien fait, qui passoit à cheval, à se venir mettre dans son carrosse ; c’étoit Navailles, qui n’étoit pas encore marié : il lui plut ; elle lui envoie dire qu’elle seroit bien aise