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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/259

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la compagnie avec laquelle Lacger étoit venu parut ; elle y reconnut des gens et n’osa faire affront à ce garçon devant eux. « Arrêtez, dit-elle, voilà de mes parents avec lui. » C’eût été un beau tour à elle.


NINON DE LENCLOS

Ninon est fille de Lenclos, un suivant de M. d’Elbeuf, qui jouoit fort bien du luth (1).

[(1) Lenclos étoit un gentilhomme de Touraine, qui avoit épousé une demoiselle de Raconis, d’une famille noble de l’Orléanais. Anne, leur fille, plus ordinairement appelée Ninon, née à Paris en 1616, y mourut en 1706. (T.)]

Elle étoit encore bien petite quand son père fut obligé de sortir de France pour avoir tué Chabans, de façon que cela pouvoit passer pour un assassinat, car l’autre avoit encore le pied dans la portière quand Lenclos le perça d’un coup d’épée.

Durant son absence, cette fille devint grandette. Elle n’eut jamais beaucoup de beauté, mais elle avoit dès lors beaucoup d’agréments ; et, comme elle avoit l’esprit vif, jouoit bien du luth et dansoit admirablement, surtout la sarabande, les dames du voisinage (c’étoit au Marais) l’avoient souvent avec elles.

Saint-Etienne fut le premier qui lui en conta : il avoit de grandes libertés là-dedans. La mère croyoit qu’il épouseroit Ninon ; mais enfin ce commerce finit, non, à ce qu’on dit, sans la mettre à mal. Le chevalier de Raray en fut amoureux ensuite. On dit qu’une fois qu’on ne vouloit point qu’elle lui parlât, l’ayant vu passer dans la rue, elle descend vite à la porte, et lui parle. Un gueux les incommodoit fort ; elle n’avoit rien pour lui donner : « Tiens, dit-elle en lui tendant son mouchoir, où il y avoit de la dentelle, laisse-nous en paix. »