tenir à sa femme le rang qu’elle doit tenir. Il y a eu du grabuge entre eux.
En ce temps-là (1658) il fit une insigne friponnerie à un homme qui étoit devenu receveur des tailles ; c’est un Toulousain. Montauron lui proposa d’épouser une de ses nièces dont le père a été libraire, à condition de prendre sa charge et de lui en donner une de trésorier de France à Montauban qui valoit vingt mille livres de plus que la sienne, et que par le contrat il confesseroit avoir reçu ces vingt mille livres pour la dot. Le mariage s’accomplit : ce garçon vient à Paris pour se faire recevoir ; à la chambre, on se moque de lui, car ce bureau est de nouvelle création, et n’est pas vérifié, ou du moins il ne l’étoit pas alors. La mère et la sœur du marié chassèrent la nièce de Son Eminence gascone. Cependant Montauron, qui étoit à Toulouse, faisoit flores ; mais au sortir on lui arrêta son équipage, faute de payer ses dettes. Il revint à Paris, où il fut obligé d’aller chez son gendre, qui avoit un logis à part. Depuis que Montauron avoit vendu sa belle maison, il n’avoit ni cheval ni mule.
Durant le siège de Paris, il se laissa tomber et se rompit une jambe : on le porta chez son gendre, où il prenoit ses repas ; il y fit venir une petite fillette de quinze ans, nommée Nanon, fille de Jeanne, une grosse fruitière à qui il avoit l’honneur de devoir honnêtement : il l’avoit habillée en demoiselle. Il falloit que madame Tallemant souffrît que cette petite friponne se mît en rang d’oignon, et qu’on lui envoyât de quoi dîner avec lui. Nonobstant tous ces soins, un beau jour il se fait lever et s’en va chez lui ; sa fille eut beau pleurer, le gendre eut beau tempêter, il n’y eut pas moyen de le retenir. Cela venoit de ce qu’il craignoit qu’on lui débauchât sa Nanon, et de ce que dame Jeanne n’alloit pas là-dedans si librement que chez lui. Cet homme avoit mis son honneur, quand sa fille logeoit avec lui, à débaucher toutes les filles qu’elle prenoit, pourvu qu’elles fussent jolies.