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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/307

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MADAME DE LANGEY

ans, huguenote, nommée mademoiselle de Saint-Geniez, sœur de M. le duc de Navailles. Il a pris là une étrange poulette. Voici ce que j’en ai ouï dire à Tallemant, maître des requêtes. Comme il étoit intendant en Guienne, la goutte et la fièvre le prirent à Saint-Sever, en Limousin. On n’entroit pas dans sa chambre, lorsqu’un prêtre essoufflé vint prier madame Tallemant de le faire parler à M. l’intendant, et qu’il y alloit de la vie de deux hommes ; elle le fait entrer. C’étoit qu’une vieille mademoiselle de Navailles, tante du duc, ne pouvant avoir sa légitime, s’étoit emparée d’un château, où mademoiselle de Saint-Geniez, l’ayant forcée, l’avoit mise en prison dans une chambre, où il n’y avoit que les quatre murs, sans pain ni eau, et avoit enfermé deux gentilhommes de son parti dans une armoire qui étoit dans le mur, où l’on a accoutumé en ce pays de mettre du salé ; et ces trois personnes, depuis deux fois vingt-quatre heures, n’avoient ni bu ni mangé. L’intendant les envoya délivrer. Il y a apparence qu’elle salera Langey.

Madame de Langey a déjà eu un enfant, le mari en a triomphé à la province et ici ; beaucoup de gens doutent qu’il lui appartienne. Il faut donc qu’il soit supposé, ou qu’un je-ne-sais-qui en soit le père, car la dame est maigre, vieille et noire. Présentement, elle et son mari sont à Paris : elle est encore grosse, et dit que, pour la première fois, elle en a été bien aise, mais que, pour celle-ci, elle s’en seroit bien passée, et madame de Boesse ne devient point grosse.

J’ai vu Langey à Charenton faire baptiser son second enfant ; car il a fils et fille ; jamais homme ne fut si aise, il triomphoit. D’autre côté, on dit que sa première femme a aussi fait un enfant ; on ne médit point de sa seconde, et elle n’est brin jolie. Le temps découvrira peut-être tous ces mystères. J’espère qu’un de ces matins le cavalier présentera requête pour faire défense à l’avenir d’appeler les impuissants Langeys. On dit que mademoiselle des Jardins,