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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/318

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sujet que pour faire continuer les gratifications du Roi en son endroit ; car il ne fait préférer Othon à Pison par les conjurés qu’à cause, disent-ils, que Othon gouvernera lui-même, et qu’il y a plaisir à travailler sous un prince qui tienne lui-même le timon ; d’ailleurs, ce dévot y coule quelques vers pour excuser l’amour du Roi. Il vous va mettre sur le théâtre toute la politique de Tacite, comme il y a mis toutes les déclamations de Lucain. Corneille a trouvé moyen d’avoir une chambre à l’hôtel de Guise. C’est dommage que cet homme n’est moins avare ; il auroit étudié la langue et les autres choses où il pèche. Je lui trouve plus de génie que de jugement.

Pour revenir à mademoiselle des Jardins, au temps de l’entreprise de Gigery (en 1664), sachant que Villedieu devoit passer à Avignon pour y aller, elle se fit donner trente pistoles par avance sur une troisième pièce de théâtre appelée le Favori ou la coquette, qu’elle avoit donnée à la troupe de Molière. Avec cette somme elle s’en va en poste à Avignon. Je crois qu’elle y a fait bien des gaillardises dont je n’ai aucune connoissance.

Elle revint ici vers Pâques ; il fut question de faire jouer sa pièce : une comédienne et elle se pensèrent décoiffer ; elle querella Molière de ce qu’il mettoit dans ses affiches le Favori de Mademoiselle des Jardins et qu’elle étoit bien madame pour lui, qu’elle s’appeloit Madame de Villedieu, car elle a bien changé d’avis sur cela. Molière lui répondit doucement qu’il avoit annoncé sa pièce sous le nom de Mademoiselle des Jardins ; que de l’annoncer sous le nom de madame de Villedieu, cela feroit du galimatias ; qu’il la prioit pour cette fois de trouver bon qu’il l’appelât madame de Villedieu partout, hormis sur le théâtre et dans ses affiches.

Un jour qu’il la fut voir dans sa chambre garnie, une femme, qui étoit encore au lit, dit d’un ton assez haut : « Est-il possible que M. de Molière ne me reconnoisse