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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/317

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imprimer à ses dépens, c’est-à-dire le premier tome. Or comme il a en tête de faire une académie, qu’en riant on appelle l’Académie des allégories, il obligea tous les jouvenceaux qui lui faisoient la cour à lui donner des vers pour mettre au-devant de son livre. Il passa plus outre ; Ogier, le prédicateur, ne se put dispenser de lui faire des vers latins ; le bonhomme Giry se vil forcé de lui faire un éloge en prose, et Patru aussi, quoi qu’il pût faire pour s’en exempter. La moitié du premier volume est donc employée à ces éloges, et à cette allégorie, qui rebute tout le monde, et, ce qui est de pire, le roman est mal écrit, et la galanterie en est pitoyable. Je sais que, sans les avis de Patru, ce seroit bien peu de chose.

Cependant son livre ne se vend point ; quand il seroit moins désagréable, il auroit de la peine à en avoir le débit car les libraires ne sont pas pour lui. Ils disent une plaisante chose : Corneille, dans un in-folio qu’il a fait imprimer depuis cette querelle, s’est fait mettre en taille douce foulant l’Envie sous ses pieds. Ils disent que cette Envie a le visage de l’abbé d’Aubignac. Cependant Corneille, d’assez bonne foi, reconnoît, dans de certains discours au devant de ses pièces, les fautes qu’il a faites ; mais j’aimerois mieux qu’il eût tâché de faire disparaître celles qui étoient les plus aisées à corriger. En vérité, il a plus d’avarice que d’ambition et pourvu qu’il en tire bien de l’argent, il ne se tourmente guère du reste. L’abbé s’opiniâtre et est si fou que de faire imprimer les autres volumes, à ses dépens s’entend, car, quand il le voudroit, je ne crois pas que personne les imprimât pour rien. On dit qu’il pourroit bien apprendre aux fous un nouveau moyen de se ruiner ; car il y a plusieurs volumes, et cela coûtera bon. Il fit et fit faire quantité d’épigrammes contre Corneille, qui toutes ne valoient rien ; on n’a pas daigné en prendre copie.

Corneille a lu par tout Paris une pièce qu’il n’a pas encore fait jouer. C’est le couronnement d’Othon. Il n’a pris ce