Aller au contenu

Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/321

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

là en bonne école. Henri IV, qui ne cherchoit que de belles filles, et qui, quoique vieux, étoit plus fou sur ce chapitre-là qu’il n’avoit été en sa jeunesse, la fit marchander, et on conclut à trente mille écus. Mais madame la princesse de Condé souhaita que, par bienséance, on la mariât en figure, si j’ose ainsi dire. Césy, de la maison de Harlay, homme bien fait, et qui parloit agréablement mais qui avoit mangé tout son bien, s’offre à l’épouser. On les maria un matin. Le roi, impatient, et ne goûtant pas trop qu’un autre eût un pucelage qu’il payoit, ne voulut pas permettre que Césy couchât avec sa femme, et la vit dès ce soir-là. Césy, lâche comme un courtisan ruiné, prétendait ravoir sa femme le lendemain, résolu de tout souffrir pour faire fortune ; mais elle n’y voulut jamais consentir. On rompit le mariage, à condition que Césy auroit les trente mille écus.

M. d’Angoulême contait les choses fort agréablement. Il disoit qu’en sa verte jeunesse il étoit amoureux d’une dame, et qu’un jour la servante de cuisine, qui étoit une vieille fort mal propre et fort dégoûtante, lui ayant ouvert la porte, il prit occasion de la prier de lui être favorable, et il voulut donner quelque chose ; mais elle, en le repoussant, lui dit : « Ardez, Monsieur, je ne veux point de votre argent ; il n’y a qu’un mot, c’est que madame n’en a jamais tâté que je n’aie fait l’essai auparavant ; c’est comme du bouillon de mon pot ; il faut passer par là ou par la fenêtre. » Il eut beau tourner et virer, il fallut satisfaire cette vieille souillon. et il dit qu’il détournoit le nez de peur de sentir son tablier gras.

On conte de Le Fouilloux qu’étant nouveau venu de sa province de Saintonge les filles de la Reine le prirent pour un bon campagnard, il n’étoit pourtant pas si niais. Elles lui demandèrent bien des choses à quoi il répondoit en innocent. « Eh ! ma compagne, qu’il est bon ! se disoient-elles