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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/332

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un visage aussi gai que s’il n’eût point dû mourir. Pour lui, il reconnut la Reine à cette fenêtre, et lui fit tous les remerciements dont il put s’aviser, de la bonté qu’elle avoit eue de lui accorder ce qu’il avoit demandé. La Reine, touchée de sa constance, lui donne encore quatre jours, par- dessus les huit que la loi donne. Ce garçon consomma le mariage, et le terme de l’exécution approchoit quand les ambassadeurs de Moscovie, étant sur le point d’avoir leur audience de congé, furent priés de demander la grâce de ce jeune homme, ou bien la demandèrent d’eux-mêmes, en remontrant à la Reine que le prince, qui étoit jeune et galant, seroit ravi d’avoir sauvé la vie à un homme qui savoit si bien aimer ; que, sans doute, il reconnoîtroit cette faveur, et qu’il en témoigneroit ses ressentiments à sa Majesté. La Reine, qui avoit pitié de ce jeune homme, et qui n’osoit pourtant violer les lois, qui sont fort sévères contre les meurtriers, fut bien aise de pouvoir dire qu’en bonne politique elle ne pouvoit refuser cette faveur aux ambassadeurs de Moscovie. Elle leur accorda donc la grâce de ce jeune homme, et eux l’en remercièrent genoux, et en touchant du front la terre, qui est la plus grande marque de respect parmi eux.

Deux gentilshommes de Normandie, dont je n’ai pu savoir les noms, étoient ennemis mortels. L’un d’eux tomba malade, et se vit bientôt à l’extrémité ; l’autre, comme s’il eût cru qu’il y alloit de son honneur que cet homme mourût autrement que de sa main, se déguise en médecin, entre dans la chambre du malade (les valets crurent que c’étoit un médecin qu’on avoit mandé, ou qui devoit consulter avec le médecin ordinaire) ; cet homme donne diverses commissions aux gens du malade, et fait si bien qu’il demeure seul dans la chambre ; alors il s’approche du lit, et dit à son ennemi : « Me connois-tu bien  ? — Ah ! répondit l’autre, je te prie, laisse-moi mourir en paix. Non,