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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/336

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grand fils bien fait, qui est d’église : ce garçon est sourd et muet naturellement. Cependant insensiblement il a appris quelques mots : il parle comme un enfant qui ne sait que quelques façons de parler ; il écrit des lettres comme celles que les enfants dictent : cela ne se suit point. Il n’entend que certaines personnes, encore est-ce plutôt au mouvement de leurs lèvres qu’autrement ; il est propre, il fait bien des choses de ses doigts ; et ce qui m’étonne le plus, c’est qu’il danse bien et en cadence.


CONTES SUR LE MARIAGE

Mylord Digby, homme de qualité en Angleterre, étoit un homme qui aimoit fort les secrets ; il a cherché la pierre philosophale. La peinture étoit une de ses passions. Or, cet homme avoit une femme qui étoit une des plus belles personnes de l’Angleterre ; il l’aimoit tendrement, mais il vouloit bien qu’on le sût ; et comme il affectoit de passer pour le meilleur mari du monde, et que son esprit se portoit assez de soi-même aux choses extraordinaires, il fit peindre sa femme nue, puis en mettant sa chemise, en habit du matin, habillée, coiffée de nuit, les cheveux épars se coiffant ; bref, de toutes les manières dont il put s’aviser. et, comme elle mourut jeune, il la fit peindre dès le commencement de son mal, puis quand elle fut affoiblie, et ensuite quasi tous les jours jusqu’à sa mort. Ces derniers portraits étoient bien faits, mais ils faisoient peur. Ils étoient tous de la main d’un excellent enlumineur.

Feu M. de Noailles avoit un Suisse qui se marioit en tous les lieux où son maître faisoit d’ordinaire du séjour. Il avoit une femme en Rouergue, une en Gascogne,