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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/35

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dire : « Voilà les ennemis, » il lui prenoit toujours une espèce de dévoiement, et que, tournant cela en raillerie il disoit : « Je m’en vais faire bon pour eux. »

Il étoit larron naturellement, il ne pouvoit s’empêcher de prendre ce qu’il trouvoit ; mais il le renvoyoit. Il disoit que s’il n’eût été Roi, il eût été pendu.

Pour sa personne, il n’avoit pas une mine fort avantageuse. Madame de Simier, qui étoit accoutumée à voir Henri III, dit, quand elle vit Henri IV : « J’ai vu le Roi, mais je n’ai pas vu Sa Majesté. »

Il y a à Fontainebleau une grande marque de la bonté de ce prince. On voit dans un des jardins une maison qui avance dedans et v fait un coude. C’est qu’un particulier ne voulut jamais la lui vendre, quoiqu’il lui en voulût donner beaucoup plus qu’elle ne valoit. Il ne voulut point lui faire de violence.

Lorsqu’il voyoit une maison délabrée, il disoit : « Ceci est à moi, ou à l’église. »


LE CONNÉTABLE DE LESDIGUIÈRES

François de Bonne, seigneur de Lesdiguières, étoit d’une maison noble et ancienne des montagnes du Dauphiné, mais pauvre. Après avoir fait ses études, il se fit recevoir avocat au parlement de Grenoble, et y plaida, dit-on, quelquefois ; mais se sentant appelé à de plus grandes choses, il se retira chez lui, en dessein d’aller à la guerre. Cependant, n’ayant pas autrement de quoi se mettre en équipage, il emprunta une jument à un hôtelier de son village, faisant semblant d’aller voir un de ses parents. Or cette jument, n’appartenant pas à cet hôtelier, lui fut redemandée, et cela donna sujet à un procès qui, quoique de petite conséquence, dura pourtant