et dit : « Marchons ; il faut mourir en gens de cœur. » M. de Guise lui avoua après qu’il avoit fait cette malice pour voir s’il étoit vrai que Crillon n’eût jamais peur. Crillon lui répondit fortement : « Jeune homme, s’il me fût arrivé de témoigner la moindre foiblesse, je vous eusse poignardé. »
Quand M. du Perron, alors évêque d’Evreux, en instruisant le Roi, voulut lui parler du purgatoire : « Ne touchez point cela, dit-il, c’est le pain des moines. »
Cela me fait souvenir d’un médecin de M. de Créqui, qui à l’ambassade de son maître, à Rome, comme quelqu’un au Vatican demandoit où étoit la cuisine du pape, dit en riant que c’étoit le purgatoire. On le voulut mener à l’inquisition, mais on n’osa quand on sut à qui il étoit.
Arlequin et sa troupe vinrent à Paris en ce temps-là, et, quand il alla saluer le Roi, il prit si bien son temps, car il étoit fort dispos, que Sa Majesté s’étant levée de son siège, il s’en empara et comme si le Roi eût été Arlequin : « Eh ! bien ! Arlequin, lui dit-il, vous êtes venu ici avec votre troupe pour me divertir ; j’en suis bien aise, je vous promets de vous protéger et de vous donner tant de pension. » Le Roi ne l’osa dédire de rien, mais il lui dit : « Holà ! il y a assez longtemps que vous faites mon personnage ; laissez-le-moi faire à cette heure. »
Le jour que Henri IV entra dans Paris, il fut voir sa tante de Montpensier, et lui demanda des confitures. « Je crois, lui dit-elle, que vous faites cela pour vous moquer de moi. Vous pensez que nous n’en avons plus. — Non, répondit-il, c’est que j’ai faim. » Elle fit apporter un pot d’abricots, et en prenant elle en vouloit faire l’essai ; il l’arrêta, et lui dit : « Ma tante, vous n’y pensez pas. — Comment ! reprit-elle, n’en ai-je pas fait assez pour vous être suspecte ? — Vous ne me l’êtes point, ma tante. Ah ! répliqua-t-elle, il faut être votre servante. » Et effectivement elle le servit depuis avec beaucoup d’affection.
Quelque brave qu’il fût, on dit que, quand on lui venoit