Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/356

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mal fait, laid et maladroit de ses mains à toutes choses… Sa passion dominante, c’est l’ambition ; son humeur est étrangement inquiète, et la bile le tourmente presque toujours. » On reconnoît déjà dans ce portrait le futur cardinal, le héros des brouillons. Des Réaux donne sur ses premières années des détails d’autant plus curieux qu’on voudroit avoir sur un homme de ce caractère d’autres témoignages que le sien propre, et que d’ailleurs les premières pages de ses Mémoires, où il parloit de sa jeunesse, sont anéanties à toujours.

De retour à Paris, Tallemant prit ses degrés en droit civil et canonique ; son père le destinoit à la magistrature, il vouloit même lui acheter une charge de conseiller au Parlement, mais des Réaux ne se sentoit aucune disposition pour cette carrière. « Je haïssois ce métier-là, dit-il, outre que je n’étois pas assez riche pour jeter quarante mille écus dans l’eau. »

Le père de Tallemant des Réaux jouissoit d’une fortune considérable ; sa maison étoit opulente ; il est inutile de s’arrêter longtemps à le défendre d’un reproche dirigé contre lui par Charpentier, et répété par Furetière. Le traducteur de la Cyropédie, emporté par un mouvement de colère, injuria l’abbé Tallemant en pleine Académie, jusqu’à lui dire qu’il étoit le fils d’un banqueroutier de La Rochelle. On sait trop à quelles injustices entraîne la passion ; tous les apparences sont ici favorables aux Tallemant. Mais si Pierre jouissoit des avantages de la fortune, il paroissoit peu disposé à y faire participer ses fils ; aussi des Réaux chercha-t-il dans un riche mariage les moyens de sortir d’une dépendance qui lui pesoit, et il demanda la main d’Elisabeth Rambouillet, sa cousine germaine. Elle était fille de Nicolas Rambouillet, frère de sa mère.

Elisabeth Rambouillet n’avoit que onze ans et demi quand son cousin la demanda : le mariage fut convenu, mais la célébration on fut différée pendant deux années.

Tallemant, se voyant appelé par cet établissement à jouir d’une belle existence dans le monde, renonça à prendre un état qui eût gêné sa liberté ; on voit seulement, par une quittance de l’année 1675,