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Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/367

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cercle brillant, mélange de grandeur et de préciosité, Tallemant descendoit à celui des financiers et de la riche bourgeoisie. Fils d’un homme de finance, marié à Élisabeth Rambouillet, fille d’un traitant ; cousin germain par alliance de la fille de Montauron, cet homme à la mode auquel Corneille dédioit Cinna ; introduit, par le mariage de son frère aîné avec mademoiselle de La Honville, au milieu d’un autre cercle opulent, il lui a été facile d’observer de ces différents points de vue la cour et la ville, la noblesse et la bourgeoisie. Bourgeois lui-même, et jaloux des prérogatives que donnoit alors une naissance qui n’est pas toujours la compagne du mérite, des Réaux ne put se défendre de mêler à ses observations une teinte de dénigrement et de malignité, et il mit une sorte de complaisance à signaler les vices des grands, et à les placer à son niveau ; le même motif le conduisit à faire ressortir des familles obscures, et à révéler l’origine de gens, partis de bas, que la fortune avoit favorisés. Porté à la débauche et au libertinage d’esprit, Tallemant ne craignit pas de soulever les voiles assez diaphanes qui recouvroient les désordres de son temps. Il le fit avec d’autant moins de ménagement qu’il n’écrivoit que pour lui et pour quelques amis. Il s’en explique lui-même en ces termes : « Je prétends dire le bien et le mal, sans dissimuler la vérité…. Je le fais d’autant plus librement que je sais bien que ce ne sont pas choses à mettre en lumière, quoique peut-être elles ne laissassent pas d’être utiles. Je donne cela à mes amis qui m’en prient. »

Écrivant sous ces influences, des Réaux a peint beaucoup de choses telles qu’elles étoient mais, entraîné par ses préventions, il lui est fréquemment arrivé de charger le tableau. Souvent aussi, par le travers d’une imagination déréglée, ses regards se sont arrêtés de préférence sur le côté licencieux de la société ; aussi est-il essentiel en le lisant de faire la part des préjuges de l’écrivain. Lues avec cette précaution, les Historiettes seront utiles ; c’est dans leur genre un corps de mémoires de la société du XVIIe siècle, comme ceux de Conrart, comme les lettres de madame de Sévigné, de Guy-Patin et de tant d’autres. Toutes les classes