Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/368

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viennent à leur tour y comparoître devant le lecteur. Des Réaux nous y montre les grands personnages en déshabillé, les riches financiers dans leurs modestes commencements, les littérateurs dans les plus petits détails de leur vie privée.

C’est surtout la bourgeoisie que Tallemant a dessinée d’après nature, cette classe que nous connoissions à peine par quelques traits épars dans les correspondances, dans les Mémoires du temps et dans les comédies de Molière. Il a, pour ainsi dire, révélé l’existence de madame Pilou, de cette vieille si spirituelle, qui, avec ses saillies et ses bons mots, sera désormais placée dans nos souvenirs, à côté de madame Cornuel et de madame de Cavoie ; cette bonne madame Pilou, veuve d’un procureur, reçue cependant à la cour, avec qui les duchesses même comptoient, et dont il ne nous étoit parvenu que le nom, parce que Sauval en a parlé deux fois dans ses Antiquités de Paris, et que l’abbé de Choisy, dans une partie de ses Mélanges, restée manuscrite, cite d’elle une anecdote ; encore se trompe-t-il, car il en fait une sage-femme.

Poète et littérateur, Tallemant a vécu dans l’intimité de la plupart des écrivains de son siècle, et il les a généralement bien jugés. Peu de détails échappent à la postérité sur les hommes célèbres auxquels un pays doit une partie de sa renommée ; mais les littérateurs du second ordre disparoissent dans les rayons de gloire qui environnent les grandes illustrations. C’est précisément à ces réputations secondaires que Tallemant s’est spécialement attaché ; Voiture et Balzac, Gombaud et Costar, Conrart et Sarrasin, mesdemoiselles de Gournay, de Scudéry et des Jardins, des Yvetaux et Colletet, Racan, Bois-Robert, Bautru, le ridicule Neuf-Germain, Chapelain, et tant d’autres, devront à Tallemant d’être mieux connus et plus appréciés ; et quoique nous soyons nécessairement suspect de quelque partialité en faveur d’un écrivain dont l’existence a été révélée par nos amis, nous croyons pouvoir affirmer qu’à l’avenir il faudra consulter des Réaux quand on voudra descendre dans les détails privés, et souvent minutieux, de la vie des hommes de lettres dont il parle dans ses Historiettes.