Page:Tallemant des Réaux - Historiettes, Mercure de France, 1906.djvu/383

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me dit- elle, si j’étois capable de faire une sottise, ce seroit pour l’amour de vous ; contentez- vous de cela, et aimez-moi à cela près, si vous en êtes capable. » Avec elle, j’en suis toujours demeuré là ; elle est encore fille, et nous nous aimons encore de bonne amitié.

La veuve grondoit assez de ces petits voyages à La Honville, mais je lui disois qu’il falloit donc que je rompisse avec mes frères, et ma belle-sœur (1), et toute sa famille.

[(1) Pierre Tallemant, sieur de Boisneau, frère aîné de Tallemant, avoit épousé Anne Bigot, fille de Nicolas Bigot, sieur de la Honville. ]

Sa sœur (2) malicieusement, ne manquoit pas de lui faire remarquer que je n’étois jamais si ajusté que quand j’allois voir madame du Candal, qui alors délogea de chez son beau-père, et alla demeurer avec sa mère, vers le Marais.

[(2) Madame d’Agamy.]

Tout ce qu’elle et son mari disoient contre moi ne servoit qu’à les faire regarder comme des espions. Une fois que nous étions à un divertissement chez une des parentes de la veuve, on se mit à danser aux chansons ; elle me tenoit par la main, et sans y penser elle alla chanter :

Guillot est mon ami,

Quoique le monde en raille ;

Il n’est point endormi,

Quand il faut qu’il travaille.

Ah ! je ris alors qu’il me baise ;

Car il meurt de plaisir et moi d’aise.


Ma foi, le monde en railla cette fois-là, et nous fûmes un peu déferrés tous deux.

La veuve, qui de soi déjà étoit assez capricieuse, le devint encore davantage par les soupçons que ses parents lui mirent dans l’esprit. Un jour que je la trouvai seule auprès du feu, elle se glisse dans un cabinet au coin de la cheminée, dont la porte avoit un petit contre-poids qui la faisoit fermer fort aisément. Voilà visage de bois : je presse, je prie ; elle ne veut point ouvrir. Je m’en vais : à la porte de la rue, je me ravise, et me vais cacher de l’autre côté de la cheminée, après être rentré fort doucement,