Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chose qui n’étoit guère d’habile homme. À la mort du cardinal de Richelieu, il s’en alla bien empressé au Louvre, et, s’approchant du Roi, lui dit tout bas : « Sire, M. le cardinal de Richelieu est mort certainement, mais on le cache à Votre Majesté. » Le Roi le lui fit redire pour se moquer de lui, en faisant semblant de le croire à peine, car il y avoit deux heures qu’il le savoit.

Quand M. d’Enghien gagna la bataille de Rocroy, le maréchal dit qu’il souhaiteroit de mourir comme étoit mort le comte de Fontaine, qui, fort âgé, fut tué à cette bataille.

Ce bon homme se vantoit tout haut de n’avoir jamais connu que sa femme. Sa tempérance lui conserva une santé admirable, presque jusqu’à la fin de ses jours. À quatre-vingt-deux ans il se voulut remarier ; depuis cela il n’a rien fait de raisonnable, et il avoit bon nez de souhaiter de finir comme le comte de Fontaine. Le bon Dieu lui eût fait une belle grâce, s’il l’eût retiré après avoir dit ce bon mot. Il y eut bien des disputes, car ses enfants ne se pouvoient résoudre à le laisser remarier, à cause que cela passoit pour une folie. Enfin, il épousa madame de La Tabarière, veuve d’un gentilhomme qualifié de Poitou, et fille de feu M. Du Plessis-Mornay. Ce mauvais exemple fit remarier bien des vieilles gens, comme madame de Coislin et autres ; et par hasard s’étant rencontré qu’on avoit fait quelques mariages inégaux en ce temps-là (vers le commencement de la régence), on disoit qu’il y avoit une influence pour les mariages ridicules.

Cette madame de La Tabarière étoit laide et austère, cependant il l’appeloit sa toute mienne. On disoit que