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mises que chemisettes, ou doublure. Tout l’été il avoit de la panne, mais il ne portoit pas trop régulièrement son manteau sur les deux épaules. Il disoit, à propos de cela, que Dieu n’avoit fait le froid que pour les pauvres ou pour les sots, et que ceux qui avoient le moyen de se bien chauffer et de se bien vêtir ne devoient point souffrir le froid.

Quand on lui parloit d’affaires d’État, il avoit toujours ce mot à la bouche qu’il a mis dans l’Épître liminaire de Tite-Live, adressée à M. de Luynes[1], qu’il ne faut point se mêler de la conduite d’un vaisseau où l’on n’est que simple passager.

M. Morand, Trésorier de l’épargne, qui étoit de Caen, promit à Malherbe et à un gentilhomme de ses amis, qui étoit aussi de Caen, de leur faire toucher à chacun quatre cents livres pour je ne sais quoi, et en cela il leur faisoit une grande grâce. Il les convia même à dîner. Malherbe n’y vouloit point aller, s’il ne leur envoyoit son carrosse. Enfin le gentilhomme l’y fit aller à cheval. Après dîner, on leur compta leur argent. En revenant, il prend une vision à Malherbe d’acheter un coffre-fort. « Et pourquoi ? dit l’autre. — Pour serrer mon argent. — Et il coûtera la moitié de votre argent. — N’importe, dit-il, deux cents livres sont autant à moi que mille à un autre. » Et il fallut lui aller acheter un coffre-fort[2].

Patrix[3] le trouva une fois à table : « Monsieur,

  1. Épître dédicatoire de la Traduction du trente-troisième livre de Tite-Live.
  2. Omis par Racan.
  3. Patrix est gentilhomme ; il est de Caen, mais originaire de Languedoc. (T.)