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par mégarde ; même il demandoit d’ordinaire permission d’en manger quand il en avoit besoin, et alloit à la messe toutes les fêtes et les dimanches. Il parloit toujours de Dieu et des choses saintes avec respect, et un de ses amis lui fit un jour avouer, en présence de Racan, qu’il avoit une fois fait vœu, durant la maladie de sa femme, d’aller, si elle en revenoit, d’Aix à la Sainte-Baume à pied et tête nue. Néanmoins il lui échappoit quelquefois de dire que la religion du prince étoit la religion des honnêtes gens.

Yvrande acheva de le résoudre à se confesser et à communier, en lui disant : « Vous avez toujours fait profession de vivre comme les autres. — Que veut dire cela ? lui dit Malherbe. — C’est, lui répondit Yvrande, que quand les autres meurent ils se confessent communément, et reçoivent les autres sacrements de l’Église. » Malherbe avoua qu’il avoit raison, et envoya quérir le vicaire de Saint-Germain-l’Auxerrois qui l’assista jusqu’à la mort[1].

On dit qu’une heure avant que de mourir, il se réveilla comme en sursaut d’un grand assoupissement, pour reprendre son hôtesse, qui lui servoit de garde, d’un mot qui n’étoit pas bien françois à son gré ; et

  1. On raconte différemment ce qui se passa à sa mort.

    Il est mort au mois d’octobre 1628. Son confesseur, voyant que sa maladie étoit dangereuse, le pressa de se confesser ; il s’en excusa en disant qu’il se confesseroit à la Toussaint, comme il avoit coutume de le faire : « Mais, monsieur, dit le confesseur, vous m’aviez toujours dit que vous vouliez faire comme les autres, en ce qui regarde le christianisme. Tous les bons chrétiens se confessent avant que de mourir. — Vous avez raison, reprit Malherbe, je veux donc aussi me confesser, je veux aller où vont tous les autres, on ne fera pas un paradis exprès pour moi, et il se confessa. » (Extrait d’un manuscrit du même temps.)