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Boisrobert, fit cette académie, croyant qu’elle subsisteroit comme celle du cardinal. Au commencement c’étoit une vraie cohue. J’y fus une fois par curiosité. Pagan, parent de M. de Luynes, y lut une harangue, où, voulant s’excuser sur ce qu’il s’étoit plus adonné aux armes qu’aux lettres, il parla comme auroit fait feu César, et traita fort les autres du haut en bas. Habert l’aîné, l’avocat au conseil, dit assez plaisamment : « Cet homme a déclaré qu’il ne savoit pas le latin, je trouve pourtant qu’il n’a pas trop mal traduit le miles gloriosus de Plaute. » Or le bon, c’est qu’on disoit que Pagan n’avoit pas fait cette harangue, et que c’étoit un nommé Montholon, petit-fils du garde-des-sceaux. Cet homme étoit un des plus grands faiseurs de galimatias du monde. Le cardinal de Retz m’a pourtant dit, mais je ne m’en fie guère à lui, que l’ayant trouvé en Avignon, l’année de la naissance du Roi[1], il lui montra bon nombre de belles lettres à toute la cour sur la naissance de M. le Dauphin, qu’il avoit faites pour M. le vice-légat. Ce Montholon étoit ruiné et s’étoit retiré là pour y étudier l’art militaire. Il disoit qu’avant qu’il fût trois mois, il seroit le plus grand capitaine du monde en théorie. Il n’alla à l’armée pourtant qu’au siége d’Arras, où il fut tué ; il avoit plus de quarante ans.

Pagan, quoiqu’on l’ait accusé de s’être fait faire sa harangue, a fait un livre. Il est vrai que c’est un livre de cavalier, car il s’appelle : Les Fortifications du comte de Pagan[2], qu’il a dédié à don Hugues de Pagan,

  1. En 1638.
  2. Traité des fortifications, 1645, in-folio, ouvrage estimé, réimprimé en 1689, in-12. Pagan, né en 1604, mourut le 18 novembre 1665.