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tout train de son beau-frère le page. Il alla une fois chez madame de Montausier qui logeoit alors en ce quartier-là, en habit de taffetas noir, avec une grande estocade et de grosses bottes. Je lui ai ouï dire que le bailli du faubourg, qui étoit fort mal quand le bon homme mourut, eut une si grande appréhension de ne lui survivre pas pour persécuter les siens, que sa fièvre en redoubla, et qu’il en fut expédié quelques jours plus tôt.

Madame de Sacy a été élevée comme vous pouvez penser : elle n’est point jolie ; mais comme elle a l’esprit vif, et qu’elle est fort médisante, les vieux débauchés, comme le maréchal de Gramont, le marquis de Mortemart[1] et M. de Turenne même, la trouvoient fort à leur goût. Le seul Mortemart a persévéré ; il lui a montré à chanter[2] ; elle réussit assez bien aux airs italiens. On dit pourtant qu’Ondedei étoit l’effectif, même sur la fin de la vie du bon homme ; mais le marquis (car nonobstant son brevet, M. de Mortemart c’est M. le marquis sans queue[3], est encore aujourd’hui celui dont on parle.

À la seconde guerre de Paris, il ne suivit point la cour, et sa femme fut contrainte de déclarer à la Reine

  1. Gabriel de Rochechouart, marquis de Mortemart, créé duc de Mortemart par lettres-patentes de décembre 1650, enregistrées au parlement le 15 décembre 1663. C’est le père de madame de Montespan.
  2. Il chante aussi bien que qui que ce soit, et s’en pique. Cela est pourtant ridicule à son âge, et avec son cordon bleu et son brevet de duc. Il compose même et fait des airs. (T.)
  3. C’est-à-dire que chez madame de Sacy on appeloit M. de Mortemart, M. le Marquis, nonobstant son brevet de duc. « Quand on dit monsieur, sans queue, on entend le maître de la maison. » (Dict. de Trévoux.)