Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/227

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que c’étoit pour une madame de Sacy qu’il étoit demeuré. Elle vit le plus plaisamment du monde avec lui, lui parle comme à un je ne sais qui. Il y fut un jour ; elle étoit seule : « Je viens, dit-il, dîner avec vous. — Je n’ai rien à vous donner, répondit-elle ; voyez si cette poule qui est dans ce pot est cuite. » Il y regarde avec un bâton ; elle la lui fait tirer, et ils se mettent là à manger tous deux fort malproprement. Elle dit qu’il ne faut point avoir de cuisinier ; que pour elle, si sa demoiselle plumoit mieux une volaille que ses autres gens, elle la lui feroit plumer, et qu’il faut que chacun fasse ce qu’il fait le mieux. Je ne crois pas que le marquis donne grand’chose, car il a la réputation d’être fort avare.

Depuis deux ans cette jeune femme a un ulcère ; elle souffre comme un roué. Mortemart lui a rendu et lui rend encore tous les soins dont il peut s’aviser. Un certain abbé de Villiers, voisin de la dame, lui a donné de la jalousie, et tous deux ont fait à l’envi. Ils y vont tous les jours. Ce qui a fait tant parler, c’est que Sacy, qui aime à chopiner, chassoit tout le monde, hors ces deux hommes. C’est un fripon fieffé, un félon, un ridicule. En présence de cette femme il dit ce qu’il fera quand elle sera morte ; il querelle déjà la mère. On dit qu’il n’y a eu que de l’imprudence à la vie de cette femme ; Mortemart n’en a rien eu, à ce que disent ses gens, qui en savent bien des nouvelles. Ce qu’il y a à dire contre elle, c’est qu’encore moribonde comme elle est, elle se mêle de changer les officiers de Mortemart, et entretient toujours la discorde entre le mari et la femme, car elle lui a fait ôter toute la conduite de la maison. On dit que Mortemart lui a