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LE COMTE DE CRAMAIL[1].


On a dit Cramail au lieu de Carmain. Il étoit petit-fils du maréchal de Montluc, fils de son fils. Il n’a laissé qu’une fille mariée au marquis de Sourdis. Il avoit épousé l’héritière de Carmain, grande maison de Gascogne. Sa femme étoit de Foix par les femmes. Ç’a été une créature bien bizarre. Elle avoit pensé être mariée à un comte de Clermont de Lodève, qui étoit un fort pauvre homme. Cependant elle eut un tel chagrin d’avoir épousé Cramail au lieu de lui, qu’en douze ans de mariage elle ne lui dit jamais que oui et non ; et de chagrin elle se mit au lit, et on ne lui changeait de draps que quand ils étoient usés. Elle est morte de mélancolie.

Le comte de Cramail vint en un temps où il ne falloit pas grand’chose pour passer pour un bel esprit. Il faisoit des vers et de la prose assez médiocres. Un livre intitulé les Jeux de l’Inconnu[2] est de lui, mais ma foi ce n’est pas grand’chose. Il fut un des disciples de Lucilio Vanini. Il disoit une assez plaisante chose :

  1. Adrien de Montluc, comte de Cramail, prince de Chabannais, né en 1568. Mis à la Bastille après la Journée des Dupes, il y demeura enfermé pendant douze ans. Il n’en sortit qu’en 1642, et mourut le 22 janvier 1646. Il est auteur, entre autres ouvrages, de la Comédie des Proverbes, farce très-gaie, souvent réimprimée.
  2. Publié sous le pseudonyme de Devaux ; Paris, 1630.