Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/358

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eu aussi ordre de la Reine-mère de prendre garde à tout ce qu’on feroit chez la Reine ; et celle-ci, qui, quoique vieille, avoit encore l’amour en tête, étoit bien aise qu’on fît galanterie. Ce fut elle qui apprit à la Reine à être coquette.

En ce temps-là on parla du mariage de la reine d’Angleterre. Le comte de Carlisle et le comte d’Holland, qui furent envoyés ici pour en traiter, donnèrent avis à Buckingham, favori du Roi, qui avait le roman en tête, qu’il y avoit en France une jeune reine galante, et que ce seroit une belle conquête à faire ; dès-lors il y eut quelque commerce entre eux par le moyen de madame de Chevreuse, à qui le comte d’Holland en contoit ; de sorte que quand Buckingham arriva pour épouser la reine d’Angleterre, la Reine régnante étoit toute disposée à le bien recevoir. Il y eut bien des galanteries ; mais ce qui fit le plus de bruit, ce fut que quand la cour alla à Amiens, pour s’approcher d’autant plus de la mer, Buckingham tint la Reine toute seule dans un jardin ; au moins il n’y avoit qu’une madame Du Vernet[1], sœur de feu M. de Luynes, dame d’atour de la Reine, mais elle étoit d’intelligence, et s’étoit assez éloignée. Le galant culbuta la Reine, et lui écorcha les cuisses avec ses chausses en broderies ; mais ce fut en vain, car elle appela tant de fois, que

    à la porte comme pour voir la baleine. Elle ne s’amusa plus qu’à faire des ragoûts quand elle vit Henri IV mort. Elle ne lui a pas été infidèle : c’est la seule. (T.)

  1. Cette madame Du Vernet fut chassée pour cela ; mais comme elle avoit gagné du bien, feu M. de Bouillon La Marck l’épousa. On disoit que ce Du Vernet avoit été violon, et avoit montré à danser aux pages du connétable de Montmorency en Languedoc. Cependant ils le firent gouverneur de Calais. (T.)