Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/36

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de la tête, le marquis l’en reprit fort aigrement, et lui dit : « Monsieur, il n’y a rien au-dessous de cet homme, il n’y a rien au-dessus de vous ; mais si lui et ses semblables ne labouroient la terre, vous et vos semblables seriez en danger de mourir de faim. »

Un jour ce petit prince, en jouant avec mademoiselle de Pisani, depuis madame la marquise de Rambouillet, alors âgée de huit ans, la prit par la tête et la baisa. Le marquis, qui en fut averti, l’en fit châtier très-sévèrement, car les princes sont des animaux qui ne s’échappent que trop. On en a fait la guerre bien des fois à cette demoiselle, comme si elle étoit cause de l’aversion que feu M. le prince a eue toute sa vie pour les femmes.

M. de Pisani n’avoit nullement bonne opinion de M. le Prince, et trouvoit qu’il n’avoit pas une belle inclination. Au reste, madame la princesse (Charlotte de la Tremouille) et le marquis n’étoient jamais d’accord ensemble. Il avoit résolu de quitter cet emploi à la première occasion, et sans doute il eût demandé son congé à la dissolution du mariage du Roi, mais il mourut à Saint-Maur un peu devant, et le Roi donna le comte de Belin pour gouverneur à M. le Prince, avec ce témoignage honorable pour M. de Pisani : « Quand j’ai voulu, dit-il, faire un roi de mon neveu, je lui ai donné le marquis de Pisani ; quand j’en ai voulu faire un sujet, je lui ai donné le comte de Belin. » Ce comte s’accorda bien mieux que le marquis avec madame la princesse, et ils firent de belles galanteries ensemble.

Depuis, il peut y avoir quatorze à quinze ans, ma-