Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/365

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Guise et M. de Bellegarde, la portoient sans cesse à perdre le cardinal. Elle va donc à Compiègne ; on l’y arrête, et on ordonne à Vaultier de retourner à Paris. En chemin on le prend et on le mène à la Bastille. Le cardinal fait dire à Vitray qu’il étoit fort content de son entremise ; qu’il n’avoit qu’à voir son ami tant qu’il voudroit. Vitray répondit : « Je m’en garderai bien, c’est un homme qui a eu le malheur de tomber dans la disgrâce du Prince : je le servirai assez sans le visiter. » Le cardinal lui manda qu’il y allât librement, qu’il n’y avoit rien à craindre pour lui. Il y fut donc. Vaultier lui dit : « Me voilà bien bas, mais je serai quelque jour le premier médecin du Roi. » Cela est arrivé, mais non pas comme il l’entendoit, car il croyoit que ce seroit du feu Roi, et ç’a été d’un roi qui n’étoit pas encore au monde. Nous l’avons vu, riche de vingt mille écus de rente, vivre comme un gredin et prendre de l’argent des malades qu’il voyoit. À la fin, il en eut honte et n’en prit plus.

Pour achever ce que je sais de la Reine-mère, j’ajouterai qu’elle ne se put garantir à Bruxelles même des finesses du cardinal pour l’éloigner de là, car elle étoit assez près pour faire toujours des cabales contre lui. Il lui fit accroire que si elle rompoit avec les Espagnols, il la feroit revenir. Elle feignit donc d’aller à Spa, et deux mille chevaux hollandois la vinrent prendre. Après, il ne se soucia plus d’elle. On dit qu’en ce temps-là elle n’avoit autre but que de jouir de Luxembourg et du Cours qu’elle avoit fait planter[1], sans se mêler de rien. Ainsi elle sortit sottement

  1. Le Cours-la-Reine, aux Champs-Élysées.