Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/372

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amis ; nous en usâmes ainsi en Flandre après la bataille d’Anzin. » M. de Liancourt et M. d’Humières, ayant appris cela, se joignent à Montatère. Le maréchal écrit. Picolomini envoie trois gardes, et mande au maréchal que si c’eût été le maréchal de Brézé, il ne les auroit pas eus. Picolomini étoit homme d’ordre ; car ayant logé chez un gentilhomme, il conserva jusqu’aux espaliers, et fit donner le fouet à un page qui y étoit entré par-dessus les murs. M. de Saint-Simon, chevalier de l’ordre, et capitaine de Chantilly, pour faire le bon valet, alla dire au Roi qu’il y avoit un garde à Montatère, que c’étoit un lieu fort haut, que de là on pouvoit découvrir quand le Roi ne seroit pas bien accompagné, et le venir enlever avec cinq cents chevaux, car il y avoit, disoit-il, des gués à la rivière. Voilà la frayeur qui saisit le Roi ; il se met à pester contre Montatère, et dit qu’il vouloit que dans trois jours il eût la tête coupée, et que c’étoit lui qui avoit donné ce bel exemple aux autres. Montatère ne se montre point, quoique ce fût au maréchal de Châtillon qu’il s’en fallût prendre. Le Roi lui-même avoit donné lieu à la terreur qu’on avoit dans le pays, car il avoit fait démeubler Chantilly, qui a de bons fossés, et qui est en-deçà de la rivière. Cette colère dura deux jours, au bout desquels Sanguin, maître-d’hôtel ordinaire, servit au Roi des poires qu’il avoit eues de Montatère. Le Roi les trouva bonnes, et demanda d’où elles venoient. « Sire, lui dit-il en riant, si vous saviez d’où elles viennent, vous n’en voudriez peut-être plus manger ; mangez, mangez, puis je vous le dirai. » Après il lui dit : « C’est cet homme contre qui vous pestiez tant hier qui me les a données pour vous les