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disant que cet homme, le mettant mal avec le Roi, l’eût empêché de rendre à Son Éminence ce qu’il lui devoit. La Meilleraye, son beau-frère, lui proposa à Ruel, où il fit son apologie, de donner un écrit signé de sa main, par lequel il s’obligeroit de dire au cardinal tout ce que le Roi lui diroit. Il répondit que ce seroit signer sa condamnation.

C’est apparemment Fontrailles[1] qui irrita le plus Cinq-Mars contre l’Éminentissime, car il étoit enragé contre le cardinal, et voici pourquoi. Fontrailles et autres étoient à Ruel dans l’antichambre du cardinal ; on vint dire que je ne sais quel ambassadeur venoit ; le cardinal sort au-devant de lui dans l’antichambre, et ayant trouvé Fontrailles, il lui dit, le raillant un peu fortement : « Rangez-vous, rangez-vous, monsieur de Fontrailles, ne vous montrez point, cet ambassadeur n’aime point les monstres. » Fontrailles grinça les dents, et dit en lui-même : « Ah ! scélérat, tu me viens de mettre le poignard dans le sein, mais je te l’y mettrai à mon tour, où je ne pourrai. » Après, le cardinal le fit entrer, et goguenarda avec lui pour raccommoder ce qu’il avoit dit. Mais l’autre ne lui a jamais pardonné. Cette parole-là a peut-être fait faire la grande conjuration qui pensa ruiner le cardinal.

Avant que de dire le reste, il faut parler de la Cata-

  1. Fontrailles, homme de qualité de Languedoc, bossu devant et derrière, et fort laid de visage, mais qui n’a pas la mine d’un sot. Il est fort petit et gros. (T.) — Il s’appeloit Louis d’Astarac, vicomte de Fontrailles. On a de lui une relation des choses qui se sont passées à la cour pendant la faveur de Cinq-Mars. Elle a été publiée avec les Mémoires de Montresor. (Voyez cette relation dans la deuxième série de la Collection des Mémoires relatifs à l’histoire de France, tom. 54, pag. 409.)