Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/415

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vigny, qu’il envoya trouver Fabert, ne pouvoit croire ce qu’il entendoit. Cela donna courage au cardinal, qui, voyant qu’après cela M. le Grand faisoit toujours bonne mine, conjectura qu’il y avoit quelque grande cabale qui le soutenoit ; c’étoit ce Traité d’Espagne. Avant que de dire mes conjectures comme il l’eut, je dirai quelle étoit la résolution du cardinal. Le cardinal, un peu devant, dictoit un manifeste dont les cahiers ont été brûlés. Il parloit de se retirer en Provence, à cause du comte d’Alais. Il espéroit que ses amis l’y viendroient joindre. Il partit effectivement, après s’être fait dire par les médecins que l’air de la mer lui étoit si contraire, qu’il ne guériroit jamais s’il ne s’en éloignoit davantage. Et au lieu d’aller par terre pour plus grande sûreté, il se mit sur le lac pour aller à Tarascon, disant que le branle de la litière lui faisoit mal. Comme il étoit près de passer le Rhône, on dit qu’un courrier, qui ne l’avoit point trouvé à Narbonne, arriva avec un paquet du maréchal de Brezé, vice-roi de Catalogne, qui, en quatre lignes, lui mandoit qu’une barque ayant échoué à la côte, on y avoit trouvé le Traité de M. le Grand, ou plutôt le Traité de M. d’Orléans avec l’Espagne, et qu’il le lui envoyoit.

Voilà le bruit qu’on fit courir, mais ce n’est pas la vérité, comme nous dirons ensuite. Aussi n’y a-t-il guère d’apparence à ce qu’on disoit là, et ceux qui l’ont cru sont de facile croyance. Le cardinal (à ce qu’a dit Charpentier, son premier secrétaire, qui peut avoir été trompé comme un autre, et qui a conté l’aventure de la barque), fort surpris, commanda que tout le monde se retirât, excepté Charpentier. « Faites-