Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/52

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brave Givry. On dit qu’en ayant obtenu un rendez-vous, elle s’avisa par galanterie de se déguiser en religieuse. Givry monta par une échelle de corde ; mais il fut tellement surpris de trouver une religieuse au lieu de mademoiselle de Guise, qu’il lui fut impossible de se remettre, et il fallut s’en retourner comme il étoit venu. Depuis il ne put obtenir d’elle un second rendez-vous ; elle le méprisa, et Bellegarde[1] acheva l’aventure[2]. Il est vrai que, de peur de semblable surprise, elle ne se déguisa point en religieuse. J’ai ouï dire que ce fut sur le plancher, dans la chambre de madame de Guise même, qui étoit sur son lit, et qui s’étant trouvée assoupie avoit fait tirer les rideaux pour dormir. Mademoiselle de Vitry, confidente de mademoiselle de Guise, étoit la Dariolette[3]. À un soupir expressif de la belle, la mère se réveilla, et demanda ce que c’étoit. « C’est, répondit la confidente, que mademoiselle s’est piquée en travaillant. » Avant cela, durant une trève de peu d’heures, Bellegarde et

  1. Bellegarde prit un homme qui se sauvoit de Paris. Cet homme lui donna le portrait au crayon de mademoiselle de Guise. Elle n’avoit que quinze ans quand on fit ce portrait. Ce fut par là qu’il commença à en devenir amoureux. Six ans devant que de mourir, elle recouvra ce portrait et le vit à madame de Rambouillet qui la fut voir ce jour-là même ; elle en avoit une grande joie. (T.)
  2. Dans les Amours d’Alcandre on voit la naissance de cette galanterie. (T.)
  3. Dariolette étoit la confidente de l’infante Élisenne, mère d’Amadis de Gaule. Le rôle que joue Dariolette dans l’ancien roman a fait donner son nom aux suivantes qui se font entremetteuses d’amour. Scarron, dans le livre 4 du Virgile travesti, dit de la sœur de Didon que :

    En un cas de nécessité
    Elle eût été Dariolette.