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Il s’en aperçut, et un jour que Desportes étoit allé en ville, il prit ses hardes, en fit un paquet, et les pendit au maillet de la porte de l’allée avec cet écrit : « Quand Philippe reviendra, il n’aura qu’à prendre ses hardes et s’en aller. » Desportes prit son paquet et s’en va à Avignon (peut-être que la cour étoit vers ce pays-là), sur le pont, où les valets à louer se tiennent, comme à Paris sur les degrés du Palais. Il entendit quelques jeunes garçons qui disoient : « M. l’évêque du Puy a besoin d’un secrétaire. » Desportes va trouver l’évêque qui étoit alors à Avignon. La physionomie de Desportes plut au prélat. Étant au service de M. du Puy, qui étoit de la maison de Senecterre, il devint amoureux de sa nièce, sœur de mademoiselle de Senecterre, dont nous parlerons ensuite. Cette maîtresse est appelée Cléonice dans ses ouvrages[1].

Ce fut du temps qu’il étoit à ce prélat, qu’il commença à se mettre en réputation, par une pièce de vers qui commence ainsi :

Ô nuit ! jalouse nuit, etc.[2] !

Il se garda bien de dire que ce n’étoit qu’une tra-

  1. On lit dans les Anecdotes historiques et littéraires sur Philippe Desportes, abbé de Tiron, et ses ouvrages, par Dreux du Radier, insérées au Conservateur de septembre 1757 : « Cléonice fut la troisième dame à qui la muse de Desportes fut consacrée à l’âge de trente-deux ou trente-trois ans. Cette Cléonice étoit Héliette de Vivonne de la Châtaigneraie… Il est parlé de cette demoiselle dans le sonnet de Ronsard, imprimé à la suite des amours de Cléonice, où il lui donne le nom véritable d’Héliette, et Desportes a fait l’épitaphe d’Héliette de Vivonne de la Châtaigneraie à la fin de ses Diverses Amours. » Accorde qui pourra les historiens des amours de Desportes.
  2. Œuvres de Desportes. Rouen, Raphaël du Petit-Val, 1611, pag. 518.