Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/120

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tuoit de jouer, et le roi de comédie disoit à tout bout de champ : Muy bien, avec une gravité admirable. Boissy, un gentilhomme que Bautru avoit laissé en Espagne, étant de retour, Boisrobert et lui s’avisèrent de faire une méchanceté au pauvre Maugars. Ce gentilhomme dit à M. le cardinal : « Il y a un présent pour Maugars, c’est un gros diamant (il eût bien valu deux mille écus s’il eût été bon). — Il faut le lui donner, dit le cardinal. — Monseigneur, répondit Boissy, j’en dois avoir ma part. — Non, vous ne l’aurez point, dit Son Éminence. — Hé ! monseigneur, dit alors Maugars, ne souffrez pas qu’on m’ôte le prix de mes veilles. — Mais, reprit l’autre, j’ai donné six pistoles à celui qui me le mit entre les mains de la part du Roi. » Il fut ordonné que Maugars rendroit les six pistoles ; il en donna trois : il n’avoit que cela sur lui. Lopès, espérant faire quelque bonne affaire, donna les autres. Boissy, le soir, lui donna le diamant. Le lendemain, dès la pointe du jour, voilà Maugars chez un orfèvre qui lui en voulut donner quatre livres dix sous. Ce n’étoit qu’un diamant d’Alençon. Quand il revint, tous les marmitons de la cuisine le reçurent avec un charivari, en lui chantant :

Et tant de diamants,
Et tant de diamants[1].

Le procès ayant été fait à Saint-Germain[2], on

  1. Il y avoit un refrain de chanson qui disoit quelque chose d’approchant. On se servit de l’air. (T.)
  2. Matthieu de Morgues, sieur de Saint-Germain, aumônier de Ma-