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seul habile homme qu’il y eût en France. Le cardinal le relégua à Carpentras, et en allant à Perpignan, il le confina dans une bicoque de la montagne. Il n’en revint qu’après la mort du cardinal, mais il ne lui survécut guère. Il fut assez long-temps malade, et de chagrin qu’il avoit de mourir, il fit fouetter un grand page le jour de Pentecôte. Ce page étoit de garde, et, voyant l’archevêque endormi, s’en étoit allé à vêpres. Voyez si c’étoit là un crime qu’un archevêque devoit punir ? Il se réconcilia avec son frère, le marquis de Sourdis, avec lequel il étoit brouillé, lui donna tout ce qu’il pouvoit lui donner, et ne récompensa pas un domestique. Il avoit appris un peu de théologie dans son exil.




MADEMOISELLE DE GOURNAY[1].


Mademoiselle de Gournay étoit une vieille fille de Picardie et bien demoiselle. Je ne sais où elle avoit été chercher Montagne, mais elle se vantoit d’être sa fille d’alliance. Elle savoit et elle faisoit des vers, mais méchants. Malherbe s’étant moqué de quelques-uns de ses ouvrages, elle, pour se venger, alla regratter la traduction qu’il avoit faite d’un livre de Tite-Live qu’on trouva en ce temps-là, où il avoit traduit : « Fecêre ver sacrum, par ils firent l’exécution du prin-

  1. Marie Le Jars de Gournay, née vers la fin de 1566, morte le 13 juillet 1645.