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faisoit. Il disoit qu’elle avoit un râtelier de dents de loup marin. Elle l’ôtoit en mangeant, mais elle le remettoit pour parler plus facilement, et cela assez adroitement ; à table, quand les autres parloient, elle ôtoit son râtelier et se dépêchoit de doubler les morceaux, et après elle remettoit son râtelier pour dire sa râtelée.

C’étoit une personne bien née ; elle avoit vu le beau monde. Elle avoit quelque générosité et quelque force d’âme. Pour peu qu’on l’eût obligée, elle ne l’oublioit jamais. En mourant, elle laissa par testament son Ronsard à L’Étoile, comme si elle l’eût jugé seul digne de le lire, et à Gombauld une carte de la vieille Grèce de Sophian, qui vaut bien cinq sous.




RACAN ET AUTRES RÊVEURS[1].


Racan est de la maison de Bueil. Son père étoit chevalier de l’ordre et maréchal de camp. Il portoit le nom de Racan, à cause que son père acheta un moulin, qui est un fief, le propre jour que ce fils lui naquit, et il voulut que ce petit garçon en portât le nom. J’ai dit, dans l’Historiette de Malherbe, comme Racan commandoit les gendarmes de M. le maréchal d’Effiat. Cela le faisoit subsister, car son père ne lui laissa que du bien fort embrouillé. Il a été quelquefois bien à l’é-

  1. Honorat de Bueil, marquis de Racan, né en 1589, mort en février 1670.