Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/130

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elle se fit barbouiller, et envoya tout cela en Angleterre, où l’on ne savoit ce que cela vouloit dire. On lui a voulu faire accroire qu’elle disoit que fornication n’étoit point péché ; et un jour qu’on lui demanda si la pédérastie n’étoit pas un crime : « À Dieu ne plaise ! répondit-elle, que je condamne ce que Socrate a pratiqué. » À son sens, la pédérastie est louable. Mais cela est assez gaillard pour une pucelle.

Saint-Amant l’a furieusement maltraitée ; car c’est d’elle et de Maillet qu’il veut parler dans le Poète crotté. Boisrobert la mena au cardinal de Richelieu, qui lui fit un compliment tout de vieux mots qu’il avoit pris dans son Ombre. Elle vit bien que le cardinal vouloit rire. « Vous riez de la pauvre vieille, lui dit-elle. Mais riez, grand génie, riez ; il faut que tout le monde contribue à votre divertissement. » Le cardinal, surpris de la présence d’esprit de cette vieille fille, lui en demanda pardon, et dit à Boisrobert : « Il faut faire quelque chose pour mademoiselle de Gournay. Je lui donne deux cents écus de pension. — Mais elle a des domestiques, dit Boisrobert. — Et quels ? reprit le cardinal. — Mademoiselle Jamin, répliqua Boisrobert, bâtarde d’Amadis Jamin, page de Ronsard. — Je lui donne cinquante livres par an, dit le cardinal. — Il y a encore madame Piaillon, ajouta Boisrobert ; c’est sa chatte. — Je lui donne vingt livres de pension, répondit l’Éminentissime, à condition qu’elle aura des nippes. — Mais, monseigneur, elle a chatonné, » dit Boisrobert. Le cardinal ajoute encore une pistole pour les chatons.

Elle aimoit Boisrobert et l’appeloit toujours bon abbé, et elle le craignoit aussi à cause des contes qu’il