Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/158

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se servoient l’un l’autre ; une fois à Ruel, Bois-Robert étoit mal avec le cardinal, pour quelque chose dont il l’avoit trop pressé. L’Éminentissime, las de l’entretien de quelqu’un qui l’avoit fort ennuyé, demanda à Citois : « Qui est là dedans ? — Il n’y a, dit Citois, que le pauvre Bois-Robert ; je l’ai trouvé tantôt dans le parc, qui alloit se jeter dans l’eau, si je ne l’en eusse empêché. — Faites-le venir, » dit le cardinal. Bois-Robert vient, et lui fait des contes. Ils furent meilleurs amis que jamais.

Une fois il fit prendre au cardinal un page en dépit de lui. Le cardinal y étoit plus délicat que le Roi, et ne vouloit que des fils de comte et de marquis. Un président de Dijon y vouloit mettre son fils. Il en fait parler par Bois-Robert, et le cardinal le rebute. Bois-Robert ne laisse pas d’écrire qu’on envoyât ce garçon le plus brave qu’on pourroit. Il vient. Bois-Robert dit au cardinal : « Monseigneur, le page que vous m’avez promis de prendre est arrivé. — Moi ! — Oui, monseigneur. — Je n’y ai pas songé. — Hé ! monseigneur, parlez bas ; il est là ; s’il vous entendoit, vous le désespéreriez. — Moi ! je vous l’ai promis ? — Oui, monseigneur ; ne vous souvient-il pas que ce fut un tel jour qu’un tel vint vous faire la révérence. » Enfin il fut contraint, par l’effronterie de Bois-Robert, de le prendre.

En revanche, s’il a servi bien des gens, il a bien nui aussi à quelques-uns. Desmarets se plaint fort de lui, car il dit qu’en lisant au cardinal les remarques de Costar sur les odes de Godeau et de Chapelain, en un endroit où l’auteur comparoit avec les stances de ces messieurs dix ou douze vers d’une pièce au cardinal,