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religieuses qui furent ou qui firent les possédées. Il y avoit de l’amour sur le jeu, et il y eut un Capucin tué. Les Capucins, se voyant appuyés du Père Joseph, poussèrent Grandier ; et comme ces religieuses étoient pauvres, ils leur persuadèrent que bientôt elles deviendroient toutes d’or. On les instruisit donc à faire les endiablées. Pour du latin, elles n’en savoient guère, et on disoit que les diables de Loudun n’avoient étudié que jusqu’en troisième. Le Couldray Montpensier y avoit deux filles qu’il retira chez lui, les fit bien traiter et bien fouetter, le diable s’en alla tout aussitôt. Il pouvoit y en avoir qui ne savoient pas le secret, et qui, par mélancolie, ou parce qu’on le leur disoit, croyoient être possédées. On leur apprit, au moins à la plupart, quelques mots de latin et bien des ordures. Madame d’Aiguillon y fut, et madame de Rambouillet, depuis madame de Montausier. Elles virent faire des tours de sauteurs, qu’elles firent faire après à leurs laquais. La ville, et surtout les hôteliers, s’y enrichirent. On y couroit de toutes parts. Duneau, médecin huguenot, et principal du collége de Saumur, y fut appelé. Il s’en moqua. C’est lui qui disoit qu’un médecin étoit animal incombustibile propter religionem. Quillet y fut aussi appelé, et des religieuses de Chinon ayant voulu imiter celles de Loudun, il en fit une satire en vers latins, pour laquelle Bautru lui conseilla de s’éloigner[1], et le donna au maréchal d’Estrées, avec le-

  1. Les biographes assignent une autre cause à la nécessité où Quillet se trouva de s’éloigner dans cette circonstance : « Dans l’une des séances ridicules où l’on faisoit parler les diables, Satan menaça par la bouche de l’une de ces religieuses d’enlever jusqu’à la voûte de l’église celui qui douteroit de leur possession. Quillet eut l’imprudence de défier