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moins qu’il pouvoit ; mais il payoit tous les premiers de l’an, et à Pâques il leur donnoit de quoi aller à confesse. Jamais il n’y a eu une maison mieux réglée : ce n’eût pas été un mauvais roi. Véritablement il n’eût pas été si redouté qu’Henri IV. On perdit furieusement à sa mort, car il n’eût pas souffert les barricades, ni le blocus de Paris.

Parlons à cette heure de sa politique. On a cru qu’il s’étoit engagé, à Rome, à tourmenter les Huguenots ; d’autres disoient que, de peur qu’on ne crût qu’il vouloit se brouiller avec eux comme son grand-père et son père, il témoignoit plus de haine pour eux qu’il n’en avoit. Il écrivit je ne sais quoi contre les Jansénistes, et fit étudier ses deux fils aux Jésuites.

Il savoit si peu qui étoient les beaux esprits, qu’un jour ayant trouvé madame de Longueville, sa fille, à table (M. Chapelain dînoit avec elle), elle se leva, parce qu’il lui vouloit dire quelque chose ; après il lui demanda : « Qui est ce petit noireau ? — C’est M. Chapelain, dit-elle. — Qui est-il ? — C’est lui qui fait la Pucelle. — Ah ! dit-il, c’est donc un statuaire ? »

Au retour d’Italie, de peur de donner de l’ombrage à M. de Luynes, il s’alla confiner à Bourges. Ce fut là qu’il connut Perrault qui y étoit écolier, et qui devint enfin son maître, car il juroit plus haut que lui. Sous le cardinal de Richelieu, il n’a pas soufflé. Il disoit un jour à son fils : « C’est bon pour vous, qui êtes vaillant. » Il ne croyoit pas que son fils, s’exposant comme il faisoit, lui dût survivre, et quand il sut l’affaire de Fribourg : « Ah ! dit-il, il n’y en a plus que pour une campagne. »

Quand il sut que M. d’Enghien n’avoit point été voir